Sur l’aliénation parentale… (partie 2)

{un texte de © Lola Swann : préciser auteure & lien pour toute citation}

 L’aliénation parentale :
une grave maltraitance,
méconnue et sujette à controverse

Plaidoyer pour la reconnaissance de l’aliénation parentale

(Partie 2)
{la partie 1 sur la description du phénomène d’aliénation parentale est accessible ici}

Origine du concept & polémiques

Origine du concept

▶ Une dénomination critiquée : double sens du terme « aliénation »

Le terme « aliénation », parce qu’il renvoie dans le sens commun à l’univers de la folie, crée parfois d’emblée des réactions suspicieuses ou négatives. Cependant, au sens étymologique du mot, « aliénation » désigne simplement la perte ou la rupture du lien, par le « a » privatif (« a-liéner », c’est casser le lien).

Du latin alienus qui signifie « étranger », venant lui-même de alius, qui signifie « autre », aliéner c’est rompre le lien, rendre autre, rendre étranger ou hostile (un enfant à un parent).

Un peu d’histoire…

Qu’on ne se méprenne pas, le phénomène d’emprise à l’œuvre dans l’aliénation parentale n’est pas un phénomène de « mode » qui aurait surgi d’on ne sait où ; il existe depuis la nuit des temps. L’emprise était par exemple exercée par les esclavagistes lors de la Traite des Noirs, à la différence qu’elle était alors légitime et considérée comme allant de soi.

Il est intéressant de noter qu’on retrouve ce phénomène d’aliénation parentale dans l’Histoire : celle de Marie-Antoinette d’Autriche et de son fils Louis-Charles de France (Louis XVII). Quelques mois avant l’exécution de sa mère, Louis-Charles est séparé d’elle pour être mis sous la garde d’un cordonnier dans la prison du Temple. C’est cet homme qui va instaurer son pouvoir sur l’enfant, dans le but de lui faire oublier sa condition royale.

La personne aliénante est ici un tiers (le cordonnier) qui sépare l’enfant (Louis-Charles) de sa mère (Marie-Antoinette). Par l’emprise que ce tiers va exercer sur l’enfant, celui-ci va en arriver à témoigner contre sa propre mère, pour qui il éprouvait pourtant auparavant un amour très fort. C’est ainsi que le petit Louis-Charles, âgé de 8 ans au moment des faits, va signer une reconnaissance d’inceste par sa mère, pour ajouter un chef d’accusation à celle-ci. Sur les déclarations de son fils, Marie-Antoinette est alors accusée de ce qu’elle n’a pas commis, avant d’être guillotinée.

Naissance du concept

Le terme d’aliénation parentale nous vient du psychiatre américain, le Docteur Richard Alan Gardner (1931–2003), qui l’a utilisé pour la première fois en 1985. Il parle d’un « syndrome d’aliénation parentale » (SAP) et le décrit ainsi : « trouble de l’enfance qui survient essentiellement dans le cadre d’un litige à propos du droit de garde dans lequel un enfant, programmé par le parent prétendument aimé, entreprend une campagne de dénigrements à l’encontre du parent prétendument détesté ».

Gardner a présenté l’aliénation parentale comme un conflit manichéen pour l’enfant : d’un côté le parent se présentant comme le « bon parent », de l’autre le parent désigné comme le « mauvais parent », le parent aliénant conduisant l’enfant vers un rejet définitif du parent aliéné.

Selon Gardner, l’aliénation parentale est comparable à un « parenticide virtuel » ou à un « équivalent d’inceste ».

▶ Polémiques à propos de Richard Gardner

De nombreuses polémiques existent autour de la personne de Richard Gardner et font que son concept sur l’aliénation parentale reste méconnu, voire bafoué ou nié. Alors même que de nombreux chercheurs après Gardner ont poursuivi ses recherches et continuent encore aujourd’hui à étudier ce phénomène

– Polémiques sexistes

Dans la définition manichéenne de Gardner (le « bon parent » versus le « mauvais parent »), un accent est mis sur l’auteur du trouble, implicitement inclus dans le « bon parent ». Or ce « bon parent » qui désigne le parent aliénant se trouvait être à l’époque dans plus de 80 % des situations le parent gardien, à savoir la mère. C’est ainsi qu’il a été reproché à Gardner d’alimenter une haine des femmes, alors même qu’il a défendu de nombreuses mères dont certaines affaires ont même été médiatisées. Là réside la violence de nombreuses polémiques, majoritairement sexistes, suscitées par le concept d’aliénation parentale de nos jours.

Ainsi, certains groupes féministes extrêmes récusent l’existence même du phénomène d’aliénation parentale, arguant qu’il s’agit d’un nouveau moyen pour les hommes de leur causer du tort. À l’opposé, certains groupes dits « antiféministes », sous couvert de lutte contre l’aliénation parentale, en ont fait un combat des hommes contre les femmes, sous-entendant que les pères étaient victimes des mères (implicitement aliénantes). Or, c’est faire abstraction totale du fait que des mères peuvent également être aliénées par leur ex-conjoint et privées du lien avec leur enfant, dans des proportions aujourd’hui de plus en plus importantes.

Des mères peuvent également être aliénées par leur ex-conjoint et privées du lien avec leur enfant.❞

Ainsi ces combats, passionnels et généralisateurs, alimentés tantôt par une haine des hommes, tantôt par une haine des femmes, nuisent dans leur ensemble à la reconnaissance de la maltraitance que constitue l’aliénation parentale.

Dont le but premier vise à protéger les droits de l’enfant.

– Polémiques sur l’image du fondateur de la théorie

Richard Gardner a également été accusé à l’époque d’avoir tenu des propos ambigus et tendancieux dans un article où il développait une notion de Freud. Bien que le chercheur ait précisé qu’il condamnait fermement la pédophilie et le viol (sujets dont il était question dans ce texte), l’acharnement a été tel que le fondement de son travail sur l’aliénation parentale a été d’emblée remis en cause et continue aujourd’hui encore à être discrédité.

Pourtant, de nombreux scientifiques ont par la suite repris le travail de Gardner et ont pu eux-mêmes valider l’existence du processus d’aliénation parentale (qui avait d’ailleurs déjà été décrit auparavant sous d’autres dénominations dans la littérature juridique et scientifique). Gardner, aussi controversé qu’ait pu être le personnage, n’est pas « l’inventeur » de l’aliénation parentale : il n’a fait que mettre en exergue un phénomène déjà existant et lui donner un nom. Il a également accompli un travail considérable sur l’étude du processus d’aliénation parentale, travail que de nombreux professionnels des domaines de la science et du droit s’efforcent de poursuivre aujourd’hui. Il conviendrait dès lors de se concentrer sur ces recherches actuelles…

Gardner, aussi controversé qu’ait pu être le personnage, n’est pas « l’inventeur » de l’aliénation parentale.

– Polémiques autour des fausses accusations

Dans certains cas graves d’aliénation parentale, il arrive que le parent aliénant fasse auprès du juge de fausses accusations (violence conjugale, maltraitance physique ou sexuelle sur l’enfant, etc.) concernant le parent aliéné, dans le but de se voir confier la garde exclusive de l’enfant. Or, les détracteurs de Gardner (et par extension de l’aliénation parentale) en sont venus à déclamer qu’affirmer l’existence de phénomène d’aliénation parentale (rejet injustifié d’un parent par l’enfant au décours d’une séparation) serait « dangereux », voire « pro-pédophile » dans la mesure où certains parents réellement maltraitants utiliseraient le prétexte d’une aliénation parentale par leur conjoint, sur leur enfant, pour obtenir la garde.

Pour illustrer ces propos, prenons deux cas de figure :

1) Le parent maltraitant est un parent aliénant : il fait réellement subir à son enfant le phénomène d’aliénation parentale en l’incitant à rejeter et à fuir son autre parent (le parent aliéné). Pour arriver à ses fins (obtenir la garde), il va mentir en accusant son conjoint de maltraitance (violences sexuelles sur l’enfant, violence conjugale, etc.).

2) Le parent maltraitant est un parent violent (envers l’enfant et/ou l’autre parent). Pour arriver à ses fins (obtenir la garde), ce parent réellement violent va mentir en accusant l’autre parent de pratiquer l’aliénation parentale. Or, si dans ce dernier cas, l’aliénation parentale est reconnue (à tort), alors l’enfant retourne avec son parent maltraitant et violent.

Mais, dans le premier cas (avéré d’aliénation parentale), l’enfant retourne aussi avec son parent maltraitant et aliénant, tandis que le parent aliéné se fait accuser à tort de quelque chose qu’il n’a pas fait, et exclure de la vie de son enfant.

Que diraient les détracteurs de l’aliénation parentale si l’on avançait le fait que, sous prétexte qu’un parent a menti en accusant l’autre parent d’inceste sur leur enfant, l’inceste n’existait pas ? C’est pourtant exactement ce qu’il se passe lorsque les détracteurs affirment que l’aliénation parentale n’existe pas. Nier l’existence de ces situations de maltraitance psychologique est un amalgame grossier et fort préjudiciable, d’autant plus lorsque l’on sait que confier l’enfant au seul parent aliénant (et donc maltraitant) ne ferait qu’aggraver son traumatisme.

Par ailleurs, notons que l’inceste ne peut éclore que dans un système familial précis. Aussi, pour en comprendre les rouages, il est nécessaire de s’intéresser au système familial dans son ensemble. Voir par exemple l’étude « Le système familial incestueux » de P. Bauchet, E. Dieu et O. Sorel. Je cite : « Dans le cas où l’agresseur est le père, la mère a une part de responsabilité dans l’instauration de la relation incestueuse : ces mères de victimes possèdent des traits de personnalité communs qui expliquent la non-dénonciation des faits ou la tendance à ne pas voir, c’est-à-dire leur complicité passive

Prendre conscience d’une chose essentielle : nier l’existence de l’aliénation parentale ne fera jamais disparaître l’inceste. Prenons par exemple ce cas : un père est évincé de la vie de son enfant suite à l’aliénation parentale. Sur ce, la mère a un nouveau compagnon qui devient le beau-père de l’enfant. Ce beau-père est-il absous par essence d’un comportement incestueux envers l’enfant ? Le contexte de déni et de violence psychologique aidant, sans compter la vulnérabilité de l’enfant ayant déjà subi la perte de son parent, cette forme de violence pourrait très bien éclore dans un tel système familial déjà fragilisé. Double peine pour l’enfant. Protéger l’enfant, c’est le protéger de toute forme de maltraitance.

L’aliénation parentale ne supplante ni les violences sexuelles sur enfants, ni la violence conjugale.❞

Pour conclure, rappelons, même si cela coule de source, que reconnaître l’existence de la maltraitance que constitue l’aliénation parentale ne consiste pas à nier les autres formes de maltraitances. L’aliénation parentale ne supplante ni les violences sexuelles sur enfants, ni la violence conjugale. Les personnes qui se battent actuellement pour la reconnaissance de l’aliénation parentale ne cautionnent en aucun cas les autres formes de violences : celles-ci sont toutes condamnables, qu’elles soient physiques, sexuelles ou psychologiques.

▶ Critique constructive autour de la notion de « syndrome »

Comme nous l’avons vu, Richard Gardner avait décrit l’aliénation parentale comme un syndrome. Il parlait de « syndrome d’aliénation parentale » (SAP). La notion de syndrome est une entité stricte qui référence avec précision un certain nombre de symptômes (signes, comportements révélateurs…) permettant ensuite d’arriver à un diagnostic. Or, chaque cas étant tout à fait singulier et l’âge de l’enfant pouvant varier, les symptômes référencés par Gardner pour décrire ce syndrome d’aliénation parentale ne reflètent pas forcément tous les cas. L’emploi du mot « syndrome » serait donc ici critiqué à juste titre. En effet, le panel de comportements que peuvent avoir les parents ou les enfants lorsqu’ils souffrent est extrêmement large. Gardner incluait par exemple dans ce syndrome une « campagne de dénigrements à l’encontre d’un parent ». Mais comment ferait un bébé, un enfant en bas-âge pour « dénigrer » ouvertement son autre parent ? pour ne citer que cet exemple. Ainsi, l’emploi du terme « syndrome » serait pour le moment inapproprié dans la mesure où le phénomène d’aliénation parentale n’y est pas décrit avec suffisamment de précisions pour pouvoir englober tous les cas de figure possibles.

 Une description du phénomène depuis déjà 100 ans… sous de multiples appellations

Dans la littérature de santé mentale et juridique, le concept d’aliénation parentale (décrit sous d’autres noms) est discuté depuis plus d’un siècle par de nombreux chercheurs et écrivains de différents pays, soit bien avant Gardner. Dans le domaine juridique, de nombreuses affaires ont été documentées par les tribunaux de l’Angleterre et des États-Unis, depuis les années 1800. Ces affaires décrivaient déjà le phénomène : un parent qui diffame l’autre parent et empoisonne l’esprit de l’enfant contre ce parent rejeté. Dans les années 40, des cliniciens ont commencé à publier leurs observations sur ces situations où un parent tente de briser l’amour de l’enfant pour son autre parent.

Dans le domaine de la santé mentale, les termes pour décrire ce trouble ont fleuri à foison, même avant Gardner. Parmi ces termes, nous pouvons citer : « Enfants alignés » (Judith Wallerstein et Joan Kelly, 1976), le « syndrome de Médée » (Judith Wallerstein et Sandra Blakeslee, 1989) ou encore le « syndrome de parent malveillant lié au divorce » (Ira Turkat, 1999). Mais, ce qui s’avèrerait être un avantage (une reconnaissance du phénomène depuis longtemps) devient dès lors un inconvénient… Et pour cause : les multiples dénominations de la littérature scientifique qui décrivent quasi la même situation. Comment dès lors s’y retrouver ?

À trop vouloir se détacher de Gardner (dû notamment aux polémiques autour de sa personne) n’en vient-on pas à travers tous ces termes, à semer la confusion et à nuire d’autant plus à la reconnaissance du phénomène ?…

Solution : dépassionner le débat et agir

S’il est pour le moment difficile de s’entendre sur le nom à donner à ce phénomène, il n’en reste pas moins qu’il a donné de multiples preuves de son existence. Parce que le processus d’aliénation parentale est complexe et varié, parce qu’il en existe différentes formes (légère, modérée, sévère, rapide, progressive…) et parce que chaque situation est un cas singulier, il est d’autant plus difficile de s’accorder sur une définition juste et représentative de cette maltraitance. Le Docteur en médecine Paul Bensussan, psychiatre et expert agréé par la Cour de cassation, en propose une définition, élémentaire et neutre. Il décrit l’aliénation parentale ainsi : « Toute situation dans laquelle un enfant rejette un parent de façon injustifiée – à tout le moins non explicable par la qualité antérieure de la relation ».

Dès lors, à partir de cette définition générale, les experts juridiques et psychiatriques pourraient parvenir à identifier le phénomène d’aliénation parentale et le trouble psychologique de l’enfant qui en découle. Pour ce faire, ces professionnels auraient à décrire la situation, aussi objectivement que possible. Pour mener à bien cette mission, il leur faudrait notifier les désordres ou changements comportementaux et affectifs de l’enfant. Ils devraient aussi se renseigner sur la qualité du lien antérieur entre l’enfant et le parent actuellement rejeté. À noter que dans le cas de carences affectives et/ou de maltraitances avérées qui existaient déjà du temps de la vie commune entre les deux parents, il serait évidemment justifié et nécessaire d’exclure le diagnostic d’aliénation parentale. Dans ce cas précis et uniquement dans un tel cas, la séparation de l’enfant et du parent maltraitant serait tout à fait légitime, pour ne pas dire nécessaire.

Malgré l’effort que font aujourd’hui les professionnels pour décrire le phénomène, quelque chose manque : un nom officiel à donner à cette maltraitance. Parce qu’en médecine, en psychologie, il est important de qualifier, pour que tout le monde sache bien de quoi on parle. Mais, parce qu’on n’arrive pas encore bien à s’entendre sur le nom à lui donner, sur le diagnostic à en faire, l’aliénation parentale – appelée « aliénation parentale » par les uns, « exclusion parentale » par d’autres, ou encore « déni parental »… – est bien trop souvent encore pointée du doigt. Alors même que chaque jour, dans le monde, des enfants et des parents souffrent de cette maltraitance…

L’aliénation parentale concerne à la fois le milieu judiciaire et le milieu médical.

Autres polémiques

Au-delà de ces polémiques liées aux origines du concept ou à sa dénomination, l’’alinéation parentale reste un sujet sensible, pour ne pas dire tabou, lorsqu’il n’est pas explosif. Et pour cause : il concerne à la fois le milieu judiciaire et le milieu médical. En outre, dans de tels contextes de « guerre parentale », il est d’autant plus délicat, tant pour les experts juridiques et psychiatriques que pour les institutions sociales ou policières, de rester neutres…

 Non-reconnaissance scientifique

L’une des polémiques les plus préjudiciables pour la maltraitance qu’est l’aliénation parentale est sa non- reconnaissance scientifique. Bien que plusieurs études aient été réalisées sur le sujet, il n’y a pour le moment pas de consensus scientifique pour affirmer que cette maltraitance existe bel et bien.

[Comme toute maltraitance, l’aliénation parentale induit des troubles, d’ordre psychologique notamment. Pour reconnaître scientifiquement l’aliénation parentale, il faudrait que ces troubles soient décrits dans les classifications officielles (CIM et DSM), en tant que découlant de la maltraitance “aliénation parentale”.]

En effet, l’aliénation parentale ne figure pas dans la CIM-11[3] (classification internationale des maladies), classification de l’OMS. Alors qu’elle apparaissait au départ dans l’index de classification des maladies, l’OMS a décidé de la supprimer en février 2020, arguant qu’il s’agissait d’un terme et d’une notion d’ordre juridique. Ce à quoi, William Bernet, Docteur en médecine diplômé en psychiatrie générale, de l’enfant, et légale, a rétorqué qu’effectivement, l’aliénation parentale était un problème à la fois d’ordre médical et d’ordre juridique. Mais c’est aussi le cas, a-t-il expliqué, pour d’autres diagnostics médicaux comme le syndrome de stress post-traumatique ou encore la maltraitance sur enfants, qui sont également utilisés dans les tribunaux. Pour autant, a-t-il argumenté, personne n’aurait l’idée de les supprimer du CIM…

[3] Publiée depuis le 18 janvier 2018, la CIM-11 entrera en vigueur le 1er janvier 2022.

L’aliénation parentale n’apparaît pas non plus dans les classifications internationales des troubles psychiatriques, dont la dernière édition du DSM-5 (manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) de l’American Psychiatric Association. La question de son inscription y a été débattue pour être finalement rejetée. Officiellement, la raison serait qu’il faudrait davantage d’études scientifiques pour valider le concept. Néanmoins, l’on ne peut négliger les pressions politiques qui ont contribué au rejet de son inscription au DSM, dont notamment l’intervention de Paul Fink, ancien président de l’American Psychiatric Association. Celui-ci n’a pas hésité à qualifier l’aliénation parentale de concept « pseudo-scientifique » et a été jusqu’à affirmer que la sollicitation de l’inscription de ce trouble dans le DSM-5 provenait de groupes militants pour le droit des pères, dans l’optique de continuer à abuser impunément de leurs enfants. Bien qu’il ait par la suite reconnu avoir été excessif et ait présenté des excuses, la question était d’ores et déjà tranchée.

Dès lors, les détracteurs de l’aliénation parentale s’appuient sur la non-inscription de ce concept dans le CIM et dans le DSM, c’est-à-dire sur sa non-reconnaissance scientifique, pour contester son existence.

Malgré tout, si le terme « aliénation parentale » n’apparaît pas encore dans ces classifications, l’on peut se réjouir que de nouvelles catégories diagnostiques décrivent en d’autres mots le phénomène. Cette maltraitance émotionnelle y est décrite, entre autres, en ces termes :

  • « problème relationnel parent-enfant »,
  • « sévices psychologiques sur un enfant »,
  • « l’enfant affecté par la souffrance relationnelle chez les parents »…

Espérons que ces nouvelles catégories éveillent l’intérêt des experts, psychiatres et thérapeutes en charge de ce type d’affaires familiales.

 Déni « pur et dur » de cette maltraitance

Certaines personnes, et elles sont loin d’être un cas isolé, semblent nier l’existence de l’aliénation parentale comme elles nieraient celle de n’importe quel autre type de violence psychologique. Pourtant, même si elle ne fait pas de marques sur le corps, même si elle ne se voit pas, la violence de l’aliénation parentale fait d’énormes ravages. Ce n’est pas seulement d’un « lavage de cerveau » dont il est question, mais aussi et surtout d’un « lavage de cœur » ; une atteinte à ce qui est intérieur – la santé émotionnelle, la confiance en soi, en l’autre… – que l’extérieur ne reflète pas forcément.

 Forte composante émotionnelle autour de cet abus psychologique

Parce que l’aliénation parentale concerne la sphère intra-familiale, s’y immiscer pour les professionnels peut être délicat. Non pas tant concernant la nature privée du système familial (les professionnels sont formés pour avoir le recul nécessaire) mais surtout par rapport à l’écho que certaines situations auxquelles ils sont confrontés peuvent avoir sur leur propre histoire. En effet, le débat autour de l’aliénation parentale touche à l’enfance de chaque individu, professionnel ou pas : il fait intervenir de nombreux sentiments non résolus liés à l’enfance et au vécu propre à chacun dans sa relation avec ses parents, au degré d’emprise que ceux-ci pouvaient avoir ou non sur l’enfant qu’ils étaient autrefois… (Cela pourrait même peut-être expliquer la violence de certains détracteurs sur le sujet.) En outre, le contexte de la séparation des parents fait entrer différentes composantes émotionnelles et matérielles comme la vulnérabilité de chaque membre du couple parental, le deuil de la relation affective, le partage des biens, la situation financière qui se modifie, etc.

L’aliénation parentale n’appartient plus au divorce bien qu’elle en soit directement issue.

Si chaque parent a sa part de responsabilités dans une séparation, l’enfant, lui, n’est responsable de rien. Il est donc capital pour tous les professionnels en charge de ce type d’affaires familiales de bien différencier la problématique du divorce de celle de l’aliénation parentale : l’aliénation parentale n’appartient plus au divorce bien qu’elle en soit directement issue. Le seul parti à prendre dans un cas d’aliénation parentale est celui de l’enfant. ​

 

© Lola Swann

✏️ Pour toute citation de cet article, merci de préciser la source (nom auteure + lien) :
“L’aliénation parentale : une grave maltraitance, méconnue et sujette à controverse (partie 2)” de Lola Swann: https://lolaafleurdemots.wordpress.com/2020/11/10/sur-lalienation-parentale-partie-2/

Fin de la partie 2
Lire la 1re partie de cet article : description du phénomène d’aliénation parentale.

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ÉLINA, un roman sur le thème de l’aliénation parentale…

À SUIVRE…

Lire la 3e partie (fin) de cet article : conséquences de cette maltraitance et témoignages.

Cet article a été écrit en avril 2020 et publié ici-même en novembre de cette même année, dans le contexte de la Journée Mondiale des Droits de l’Enfant. En effet, la sensibilation à cette maltraitance est rarement (voire jamais) évoquée lorsqu’il s’agit (pourtant) de promouvoir les droits des enfants…

***
Découvrir aussi…

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Publié par Lola à fleur de mots

Lola Swann ~ authoresse

6 commentaires sur « Sur l’aliénation parentale… (partie 2) »

  1. Merci pour cette description dans laquelle nous sommes très nombreux à nous reconnaître.

    mon interrogation est de savoir comment contourner ce fâcheux « intérêt de l’enfant » qui pris dans un conflit de loyauté est éloigné du parent aliéné. Ainsi, l’objectif recherché par le parent aliénant est atteint et la détresse psychologique de l’enfant demeure.

    Aimé par 1 personne

    1. Merci pour votre message. En effet, l’intérêt de l’enfant est réduit à néant par ce que le parent aliénant fait subir à celui-ci, et pourtant c’est l’intérêt de l’enfant qui devrait primer suite à une séparation. Apprendre à identifier cette maltraitance psychologique pourrait être un début, et donc en parler, la faire « connaître »…

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  2. Très belle description de l’aliénation parentale ! L’une des plus belles sur bien d’autres. Mais, une erreur s’y trouve :7
    en 2018, l’ Organisation mondiale de la santé a adopté la onzième révision de sa Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes (CIM-11 en français, ICD-11 en anglais), qui entrera en vigueur le 1er janvier 2022.

    Dès la publication du projet de révision en juin 2018, les expressions « parental alienation » et « parental estrangement » avaient été placées dans l’index, de sorte qu’une recherche sur l’une ou l’autre redirigeait vers un diagnostic générique officiel, « Caregiver-child relationship problem » (problème relationnel parent/enfant – le terme anglais caregiver exprime en fait la notion plus large de « pourvoyeur de soins », mais nous le traduisons par « parent » pour simplifier), ainsi défini : « Substantial and sustained dissatisfaction within a caregiver-child relationship associated with significant disturbance in functioning »…
    Lire la suite sur :
    http://paternet.fr/2019/05/25/lalienation-parentale-reconnue-par-lorganisation-mondiale-de-la-sante/

    En 2022, nous pourrons voir qui a raison, sur le Syndrome d’aliénation parentale…

    Aimé par 1 personne

    1. Bonsoir, merci pour votre commentaire. De ce que j’ai lu, et suite à mes échanges avec le Dr. William Bernet, non l’aliénation parentale n’apparaîtra pas (encore) comme telle dans le CIM-11, et je le déplore. Si le terme avait en effet d’abord été accepté, il a ensuite été retiré en février 2020 comme dit dans l’article. Toutefois, il est vrai que comme le concept est décrit avec d’autres mots, certaines personnes ou associations admettent que l’aliénation parentale est « reconnue ». À mon sens, ce n’est pas encore le cas, mais les choses avancent, ce dont nous pouvons bien évidemment nous réjouir. Mes sources (bibliographie et sitographie) sont citées dans la 3e partie (fin) de cet article qui sera publié la semaine prochaine. Bien à vous, Lola

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  3. Article très intéressant qui permet de mieux comprendre la place du concept d’aliénation parentale dans un contexte historique et le fait qu’il ne soit pas encore pleinement reconnu à l’heure actuelle.

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